Commentateur financier, un dur métier

Les commentateurs financiers seraient-ils hypocondriaques ? Ils auscultent à tout va les gros bobos au fur et à mesure qu’ils atteignent le système financier, sans que cela ne les conduise – pas encore ? – à imaginer sa refondation. La tentation reste grande pour beaucoup d’entre eux de ne voir dans ces phénomènes déconcertants que des anomalies passagères, et d’attendre la fin du « cycle » en cours pour accéder au suivant, afin que tout rentre dans l’ordre. Les « cycles » ont bon dos.

Dans un éditorial, le quotidien financier Les Échos est moins serein en commentant la crise du marché américain des repos et en prédisant que « quand le marché interbancaire s’assèche, les problèmes ne sont pas loin ». Puis en relevant que « les investisseurs ont appris à surveiller ce marché comme le lait sur le feu: les crises bancaires démarrent presque toujours par des problèmes de liquidité… »

Entretemps, les commentateurs n’ont pas manqué de souligner l’entrée de la Grèce dans le club des émetteurs à taux négatifs, certes par la petite porte, qui a émis des titres à 3 mois à -0,02% tout en conservant sa note de crédit hautement spéculative. Quel retour en grâce pour un pays qui a plongé la zone euro dans la crise ! Ils ont également relevé, au débit des taux négatifs devenus – si l’on peut dire – monnaie courante, que la grande banque italienne UniCredit a décidé de les répercuter dès l’année prochaine sur ses clients ayant plus de 100.000 euros sur leur compte de dépôt. Une telle mesure s’étend progressivement dans toute la zone euro, les sommes déposées inférieures à ce seuil en étant pour le moment épargnées…

Les banques, qui appartiennent à un monde connu et répertorié, sont suivies au plus près possible. La réforme des règles américaines d’interdiction de leurs activités de trading pour compte propre ne leur a donc pas échappé. Progressif et discret, le détricotage de la réglementation a répondu à une demande pressante des banques qui en la circonstance n’en sont pas mécontentes. Le principal assouplissement consenti par la Fed concerne leurs positions à moins de 60 jours, pour lesquelles elles n’auront plus à prouver, comme c’est le cas aujourd’hui, qu’elles n’agissent pas pour leur compte propre, ce qui leur laisse les mains libres.

Mais la veille de ces mêmes commentateurs a été prise en défaut pour avoir ignoré la publication par la Banque des règlements internationaux (BRI), le mois dernier, d’intéressantes données relatives aux flux financiers transfrontaliers entre banques et non-banques installées off-shore et appartenant au shadow banking. On savait déjà, grâce à des recherches utilisant les données du Conseil de stabilité financière (FSB) qu’en 2017 les non-banques représentaient 36% du total des actifs du système financier, contre 31% en 2007. Les données de la BRI permettent d’établir que les flux des banques destinés à des entités off-shore ont également progressé. En sont destinataires des hedge funds et les filiales de compagnies transnationales qui y sont localisées.

Les entreprises de technologie ne sont donc pas les seules à se lancer dans des jeux d’arbitrage transfrontaliers. Les données de la BRI suggèrent que l’arbitrage est endémique dans le monde moderne de la finance et des affaires. Il en ressort également la confirmation que les secteurs régulés et non régulés du système financier sont étroitement imbriqués. Dans ces conditions, quel sens a la régulation du premier puisque le second ne l’est pas ?

Des progrès très substantiels restent donc à faire pour appréhender dans sa totalité un système financier dont une seule face est connue. Mais comment faire, car tout semble fonctionner de telle sorte que le mystère reste entier et impénétrable ?

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